« Les défauts physiques imaginaires », Dr Jean Tignol
Dans « Les défauts physiques imaginaires », le psychiatre et psychothérapeute Jean Tignol présente un étrange trouble obsessionnel dont souffriraient un certain nombre d’hommes et de femmes qui consultent en chirurgie esthétique et en dermatologie. Parfois le défaut en question est attribué à autrui…
Ce livre décortique un mal en progression dans nos sociétés obnubilées par la perfection physique et la minceur : le « Body Dismorphic Disorder » (BDD) ou « Trouble de Dysmorphie Corporelle » (dysmorphophobie). Les personnes qui en sont atteintes sont persuadées d’avoir un ou plusieurs défauts physiques qui en réalité n’existent pas ou sont très minimes. Ce défaut de leur apparence les préoccupe tellement qu’il devient le centre de leur existence. Leur objectif est de faire disparaître le problème par des traitements médicaux ou chirurgicaux, qui sont évidemment inefficaces, puisque le problème est imaginaire. Phobie sociale, dépression, abus d’alcool et d’autres substances, tendance à dormir ou à manger trop, idées de suicide et parfois, passage à l’acte, hospitalisations psychiatriques… les conséquences sont nombreuses et peuvent s’avérer sérieuses.
D’après l’auteur, entre 6 et 15% des personnes qui consultent en chirurgie esthétique sont atteintes de BDD et plus de 13% de celles qui consultent en dermatologie. Cette maladie touche autant les hommes que les femmes, mais, explique-t-il : « Certaines localisations diffèrent selon le sexe : en général, les hommes sont plus soucieux de leurs cheveux, de leur petite stature et de leurs parties génitales, tandis que les femmes ont des inquiétudes concernant leurs jambes, leurs hanches, leur poitrine, leur poids ».
Dans certains cas, le patient localise le défaut imaginaire chez une autre personne que lui-même. Le Dr Tignol cite l’exemple de l’un de ses patients, un homme d’une cinquantaine d’années qui avait commencé à s’inquiéter de la silhouette de son épouse après la naissance de leur premier enfant, naissance qui, il faut le préciser, avait eu lieu dix ans auparavent… « L’apparence esthétique de son épouse, particulièrement sa minceur, le préoccupait et l’angoissait au point d’occuper ses pensées plus de huit heures par jour, à l’époque de la consultation. Il surveillait sans arrêt l’alimentation de sa femme et l’avait incitée à subir deux interventions chirurgicales esthétiques, l’une au niveau de la poitrine et l’autre de l’abdomen ». Cet homme souffrait en quelque sorte de « BDD par procuration »…
Il existe aujourd’hui des traitements médicamenteux efficaces. Les personnes atteintes peuvent également s’en sortir en suivant une thérapie de type cognitif et comportemental. Pour le Dr Tignol, l’anorexie mentale serait une forme de BDD, à la différence près que le centre de préoccupation est le corps tout entier plutôt qu’une partie du corps. La dysmorphie musculaire ou anorexie inversée, concernerait les hommes essentiellement et leur musculature, qui est perçue comme insuffisante.
Jean Tignol « Les défauts physiques imaginaires » (Odile Jacob)